Le Courrier | Une voie royale pour réformer l’asile

Les mesures urgentes durcissant la politique d’asile ont été plébiscitées. Grands perdants, la gauche et les Verts auront Simonetta Sommaruga à l’œil.

Article de Bertrand Fischer paru dans Le Courrier le 10 juin 2013.

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La défaite des opposants au durcissement de la politique d’asile était certes attendue, mais pas à ce point-là! Ce sont 78,4% des citoyens et la totalité des cantons qui ont plébiscité ce week-end les mesures urgentes défendues par le Conseil fédéral. Une gifle monumentale pour la gauche qui, pour la première fois, a dû guerroyer sur ce terrain contre l’une des leurs, la ministre socialiste Simonetta Sommaruga.

Un fardeau en moins
Le soulagement se lisait sur le visage de la cheffe de Justice et police lorsqu’elle s’est présentée devant les médias, hier à Berne. Durant la campagne, elle était apparue parfois réservée, semblant devoir porter cette révision comme un fardeau, un peu comme le titan Atlas qui portait la terre entière sur ses épaules.
Mme Sommaruga s’en est expliquée hier. Parmi les sept mesures proposées, le fait de ne plus pouvoir déposer une demande d’asile dans une ambassade, «pour beaucoup, ça va trop loin». Idem pour l’abandon de la désertion comme motif d’asile. «Dans les faits, ce dernier point ne changera rien à la pratique actuelle», a-t-elle répété, comme pour mieux s’en désolidariser.

L’UDC en retrait
Simonetta Sommaruga se montre plus enthousiaste pour les cinq autres mesures, qui vont «directement ou indirectement» l’aider à atteindre son objectif ultime: l’accélération des procédures. Elle annonce l’ouverture prochaine de quatre à cinq nouveaux centres d’hébergement fédéraux, offrant 450 places supplémentaires. L’exploitation du centre des Pradières (NE), dans le Val-de-Ruz, sera en outre prolongée.
«Les choses avancent», se réjouit la conseillère fédérale, qui lance un appel aux cantons et aux communes, mais aussi aux œuvres d’entraide, pour collaborer. «Le seul fait qu’on augmente les places d’accueil permet de gagner en rapidité et en efficacité.» Et d’insister sur la disposition la moins contestée du vote: la Confédération aidera désormais à financer des programmes d’occupation où il s’agira d’«entretenir des alpages et des sentiers de randonnée», ou même de «nettoyer les cloches des églises».
Simonetta Sommaruga a profité d’une campagne où l’UDC, généralement attendue sur ces questions, a été très discrète. Dans le cas présent, c’est bien joué. «Notre principal problème a été de devoir affronter une ministre de gauche», reconnaît le vice-président des Verts, Josef Lang. Les promesses faites par la Bernoise ont aussi pesé dans la balance. Ainsi, à défaut d’accepter des demandes d’asile dans les ambassades, la Confédération réexaminera d’ici la fin de l’année la pratique de remise de visas humanitaires. «Nous veillerons à ce que Mme Sommaruga tienne parole», avertit Josef Lang.
L’ampleur du résultat d’hier ouvre une voie royale pour la prochaine étape du grand chantier mené par le Département de justice et police. Dès la semaine prochaine, la restructuration en profondeur du domaine de l’asile, soit la 12e révision de la loi depuis trente ans, sera mise en consultation. Les lignes directrices ont été approuvées par les représentants des cantons lors d’une conférence nationale tenue en janvier dernier.

Procédures de 100 jours
Inspiré du modèle hollandais, le projet phare est la création de centres de la Confédération réunissant les principaux acteurs (juges, personnel administratif, œuvres d’entraide) au même endroit. L’objectif est de pouvoir réduire la durée de 60% des procédures à une centaine de jours. L’Office fédéral des migrations (ODM) a bon espoir pour que le centre testant ces procédures éclair puisse démarrer dès l’an prochain à Zurich.
Dans le camp bourgeois, la satisfaction est bien sûr de mise. «Il est important d’arriver au plus vite à cette procédure accélérée à 100 jours», estime Urs Schwaller (pdc/FR). «L’opinion générale vis-à-vis de l’asile se durcit, c’est certain», observe le conseiller aux Etats fribourgeois, sans s’en réjouir. Se référant à l’insécurité ressentie dans la population, Urs Schwaller relève qu’«il y a malheureusement 4 à 5% de requérants qui se conduisent mal et qui nuisent aux 95% restants». Et de conclure au sujet du plébiscite d’hier: «Il faut voir ce score comme une chance et non comme un avertissement.»
Introduites le 29 septembre 2012 pour trois ans, les mesures urgentes resteront donc en place. Le résultat du vote populaire implique qu’elles perdront leur caractère d’urgence et seront introduites dans le droit ordinaire d’ici au 28 septembre 2015, précise l’Office fédéral des migrations.

 

 

 

 

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