Le Courrier | L’accélération… des durcissements

Editorial de Rachad Armanios dans Le Courrier du 24 mai 2013

Vous pouvez consulter l’édito online en cliquant ici.

Refuser l’asile aux déserteurs. Fermer nos ambassades aux réfugiés. Incarcérer des requérants dans des centres spéciaux. Le 9 juin, malgré le caractère violent et choquant de ces mesures déjà en vigueur, le peuple devrait les légitimer dans les urnes.
Il faut dire que ces révisions liberticides de la Loi sur l’asile portent la caution de la ministre socialiste Simonetta Sommaruga, encouragée par les instances de son parti qui, au niveau suisse, font profil bas. Le seul suspense portera sur l’ampleur de la défaite des opposants. Honorable au point d’amplifier la dynamique de résistance? Ou tellement cruelle qu’il sera difficile de s’en relever?
En parfaite cheffe d’orchestre, la conseillère fédérale a donné le la de la propagande: voter oui permettrait d’accélérer des procédures d’asile trop longues.
Mais le 9 juin, le peuple se prononcera sur des durcissements dont l’objectif est de réduire l’accès à la Suisse ou de criminaliser les requérants. Seule la possibilité de tester des nouvelles procédures s’inscrit dans le projet de réforme globale de l’asile qui, effectivement, vise l’accélération du processus. Ces tests, pourtant, ne concernent qu’une partie des requérants pour qui les procédures, déjà dites rapides, durent souvent moins de 180 jours. Et que demande-t-on? De permettre à l’administration fédérale de considérer des gens dans la détresse comme des cobayes, en toute opacité et sans en référer aucunement au contrôle du parlement. Quelle instruction équitable? Quelle qualité des décisions?
C’est aussi peu démocratique que l’introduction en urgence de ces durcissements par ce même parlement. Un diktat justifié en cas de guerre. C’est dire la mentalité d’assiégés que l’on entretient à dessein dans ce pays! Envahie, la Suisse? Les requérants d’asile et les réfugiés représentent 0,6% de la population en Suisse. Et à l’échelle internationale, la grande majorité d’entre eux sont accueillis dans les pays du Sud.
Autre chimère: croire qu’on peut limiter l’«afflux», alors même qu’il est impossible à maîtriser puisqu’il dépend des événements internationaux. Reléguer les déserteurs au rang de «faux réfugiés» est aussi emblématique de ces durcissements taillés pour faire croire que l’on agit, mais qui n’ont aucun impact sur le nombre de requérants. Au vu des normes internationales, impossible de refouler quelqu’un qui risque chez lui la torture. Dès lors, ces déserteurs continueront de venir en Suisse, mais y verront leur statut précarisé.
Tout faire pour que les demandeurs d’asile s’intègrent le moins possible ne fait que mieux légitimer leur rejet: au lieu de leur permettre de travailler, on les contraint à l’oisiveté et à la promiscuité. Ceux qui se rebellent? Dans des centres pour «récalcitrants»! Sur quels critères? Ceux de l’arbitraire. Et beaucoup, après, oseront encore se prévaloir du mythe de la tradition humanitaire suisse. Et ce même après avoir voté la fermeture des ambassades, quitte à alimenter le réseau de passeurs et le cimetière qu’est devenue la Méditerranée.
La suite? L’accélération des procédures, justement. Au menu: la réduction drastique de délais de recours déjà très contraignants. En compensation, une assistance juridique de l’Etat… d’ores et déjà critiquée par une partie du parlement.
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